Née de la révolte de 1968, la Quinzaine des réalisateurs n’en a pas fini de jouer les poils à gratter : au gré des humeurs, ça irrite ou ça fait marrer. Mais c’est toujours piquant.
De l’an dernier, on se souvient, entre autres, du quasi-muet Il Quattro Volte (un berger, une chèvre, un arbre), de l’étrange errance du Vagabond, du Tati version kirghize du Voleur de lumière ou encore du (faux) plan-séquence bleuté de La Casa muda. Pour sa deuxième édition à la tête de la Quinzaine des réalisateurs, Frédéric Boyer semble vouloir continuer à repousser plus loin les frontières et n’être mu que par le désir de la déstabilisation. Comme cela a pu être le cas en 2010, c’est à se demander s’il lui importe que le film soit réussi, tant qu’il dérange, picote, intrigue. Et au vu de la présentation que le nouveau patron de la Quinzaine en a faite, cette sélection 2011 ne laissera certainement pas indifférent. Il suffit de dresser la liste des adjectifs utilisés par Frédéric Boyer pour s’en convaincre : formel, épuré, expérience de cinéma, étrange, atypique, brut, particulier, dépouillé, conceptuel, enragé. Tout un programme. Le premier film que l’on a pu voir, Le Veilleur de nuit, de Natalia Almada, répond déjà à tous ces qualificatifs. La réalisatrice s’attarde sur de longs plans fixes parfois insignifiants pour laisser tout propos hors champ et livre un film sur la violence sans la moindre goutte de sueur ou de sang. Et malgré tous les reproches que l’on peut lui faire (le tout est finalement un peu vain), force est de reconnaître la proposition de cinéaste, le dispositif mis en place, la prise de risque. La position dans laquelle est placé le spectateur, obligé de quitter le confort de son siège pour faire lui-même les connexions et donner du sens à l’implicite, au suggéré. Alors on ne sait pas encore ce que nous réserve la salle hyper-climatisée du Palais Stéphanie. Mais on est sûr qu’elle ne nous laissera pas froid.