La sélection officielle du 65e Festival de Cannes

 

Cannes 2012 pour les nuls

65e Festival de CannesLe 19 avril dernier, le duo de choc Frémaux-Jacob mettait fin au suspense en annonçant à un parterre de journalistes agités la liste des 22 films retenus pour la prestigieuse compétition. Une sélection où figure, comme d’habitude, un savant mélange de grosses pointures et de surprises. Après une décevante première impression de “on prend les mêmes et on recommence”, on finit malgré tout par s’emballer pour le prochain Haneke (Amour), le dernier Cronenberg (Cosmopolis) ou le nouvel Audiard (De rouille et d’os). Et à côté des familiers de la Croisette, on s’enthousiasme déjà pour les films très attendus d’un John Hillcoat, d’un Leos Carax, d’un Jeff Nichols ou encore d’un Cristian Mungiu. Petit tour d’horizon des prétendants au trône du Palais des festivals…

 

Moonrise Kingdom de Wes Anderson

Moonrise Kingdom, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Wes Anderson, c’est Bottle Rocket, Rushmore, La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique, Darjeeling Limited et Fantastic Mr. Fox. A lui seul (mais on pourrait quand même lui ajouter Paul Thomas Anderson et Judd Apatow), il incarne la relève d’un cinéma indépendant américain drôle, intelligent et particulièrement créatif.

Quoi ?
Comme tous les films du réalisateur, Moonrise Kingdom est difficilement résumable : Wes Anderson part toujours d’une histoire très simple – un hold-up, un divorce, une expédition marine, un meurtre de poule – pour s’adonner à une multitude de digressions et de fantaisies jubilatoires. Ici, c’est l’histoire de deux gamins amoureux qui fuient ensemble, et d’une ville entière qui se mobilise pour les retrouver. Au vu de la bande-annonce, c’est loufoque, romantique, formidablement beau et soutenu par un casting de rêve : Bill Murray, Edward Norton, Frances McDormand, Bruce Willis. Un excellent choix en ouverture du 65e Festival de Cannes, tout à la fois divertissement et film d’auteur.

 

De Rouille et d’os de Jacques Audiard

De rouille et d'os, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Cela fait déjà bien longtemps que Jacques Audiard a cessé d’être le simple “fils de” Michel. Dès 1994, avec son road-movie ténébreux Regarde les hommes tomber (sélectionné à Un Certain Regard), ce réalisateur hors norme avait su poser les jalons d’un cinéma très personnel. A 60 ans et quatre films plus tard, Jacques Audiard s’impose comme l’une des figures les plus éclatantes du cinéma français contemporain. Son cinéma est un cinéma d’auteur. Un cinéma d’acteurs à qui il confie des personnages complexes et tourmentés. Pour celui qui se définit lui-même comme un artisan du septième art, chaque film est un morceau d’étoffe précieuse, travaillé dans les moindres détails, prenant le temps de peser chaque plan, chaque ligne. De son Héros très discret à son Prophète en passant par Sur mes lèvres ou De battre mon cœur s’est arrêté, Audiard louvoie entre les genres (polar, film noir, drame, voyage initiatique) pour délivrer une partition parfaite. Pas un accroc, pas une tache mais des lignes de récits limpides et une réalisation toujours tranchante.

Quoi ?
Trois ans après Un prophète, récompensé à Cannes par le Grand Prix du jury, Jacques Audiard réintègre les rangs prestigieux de la compétition avec De Rouille et d’os, adapté du recueil de nouvelles de l’écrivain canadien Craig Davidson, Un goût de rouille et d’os. Un livre connu pour son univers tortueux, pour ses personnages “sur le fil”, des bêtes blessées aux parcours chaotiques. Alors oui, ce n’est donc pas encore pour cette fois qu’Audiard sortira le nez rouge. L’histoire, c’est celle d’une rencontre singulière entre Ali, jeune père fauché et paumé, et Stéphanie, dresseuse d’orques, jeune femme pleine d’assurance qui se retrouve en fauteuil après un accident, privée de ses deux jambes. Côté casting, c’est avec un ravissement non dissimulé que l’on retrouvera Matthias Schoenaerts, cet acteur belge au physique pour le moins “massif”, révélé récemment dans Bullhead. On est par contre peut-être un peu plus sur la réserve concernant le choix de Marion Cotillard. On espère simplement qu’entre les mains d’Audiard, la môme aura su se défaire de son statut de poupée d’Hollywood pour nous offrir la “claque” que l’on attend d’elle depuis un moment maintenant.

 

Holy Motors de Leos Carax

Holy Motors, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Alexandre Oscar Dupont, dit Leos Carax. Réalisateur d’une époque – la fin des années 1980 et les années 1990 – rongée par la chômage, le sida, le désenchantement et la fin des idéaux, sa réputation le précède. Astre noir du cinéma français, porte-poisse romantique, poète urbain, écorché vif… Depuis ses premiers films Boy Meets Girl (1984) et Mauvais sang (1986), il s’est imposé comme un réalisateur abrasif, voire urticant. Le tournage des Amants du Pont-Neuf, interprété par son acteur fétiche Denis Lavant et sa compagne d’alors, Juliette Binoche, finit de mouler sa statue de mégalo. Pour ce long-métrage, Carax exige la reconstitution totale du quartier du Pont-Neuf aux environs de Montpellier et explose le budget. Du coup les producteurs sont refroidis et il faut attendre 1999 pour que sorte Pola X (adaptation violente et crue de Pierre ou les Ambiguïtés d’Herman Melville), sifflé à cannes où il est présenté en sélection officielle. Depuis on l’a revu sur la Croisette avec Merde, l’un des segments de l’oeuvre collective Tokyo ! (les deux autres réalisateurs sont Bong Joon-ho et Michel Gondry). A savoir également, Carax est comédien (Les Ministères de l’art de Philippe Garrel, King Lear de Jean-Luc Godard, The House de Sharunas Bartas…), réalisateur de clips (pour Iggy Pop, New Order)… et parolier du tube de l’ex-première dame de France “Quelqu’un m’a dit”.

Quoi ?
Pas de long depuis 1999…. Ce Cannes sonne donc comme une résurrection pour Leos Carax et son Holy Motors. Quelques heures dans la vie de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie : grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille… Pour changer, c’est l’alter ego de Carax, Denis Lavant, qui incarne le bonhomme. A bord d’une limousine, le voilà qui parcourt tous les genres du cinéma (une comédie, un musical, un film noir, un film d’horreur, et même la suite des aventures de Merde… à Paris. L’encre a déjà coulé sur ce retour. Il devait y avoir Binoche et Kate Moss. Au final, ce sera Edith Scob (Où va la nuit et Un baiser papillon), Eva Mendes, Michel Piccoli et Kylie Minogue (“I Should be so Lucky” et “Do the Locomotion”). Sinon, Holy Motors sera aussi un film d’anticipation, situé dans un Paris futuriste où “les adresses web auront remplacé les dates de naissance sur les pierres tombales du Père Lachaise”, dixit la productrice.

 

Cosmopolis de David Cronenberg

Cosmopolis, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
David Cronenberg, réalisateur de Vidéodrome, Le Festin nu, Crash, Les Promesses de l’ombre ou plus récemment A Dangerous Method… Metteur en scène phare d’un fantastique organique et visionnaire (Vidéodrome et eXistenZ en constituent deux remarquables exemples), David Cronenberg reste l’un des seuls maîtres capables de donner à des films souvent « déviants » une réelle portée philosophique.

Quoi ?
Cronenberg a su s’attaquer avec force à de grandes œuvres noires de la littérature anglo-saxonne : Le Festin nu (d’après William Burroughs), Crash (d’après J. G. Ballard), Dead Zone (d’après Stephen King) ou M Butterfly (d’après David Henry Hwang). On imagine bien que pour toucher au Cosmopolis de Don DeLillo, chef-d’œuvre psychanalytique et philosophique de l’écrivain new-yorkais sur la déliquescence du capitalisme, David Cronenberg est tout désigné. Le défi du réalisateur sera double : adapter un roman réputé inadaptable (l’action de Cosmopolis est ramassée, presque un huis clos dans une des plus grandes villes du monde, dont la majorité des scènes clés constituent des monologues intérieurs), et donner vie au personnage d’Eric Packer, jeune génie de la bulle financière, aussi intelligent que détestable. Le choix de Robert Pattinson, vampire en plastique de Twilight, peut sembler étrange, mais avec son physique de jeune premier prétentieux, cette décision pourrait bien confirmer encore le statut de visionnaire de Cronenberg.

 

The Paperboy de Lee Daniels

The Paperboy, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
“Devenir le Spielberg pur et dur des Indépendants”, lançait il y a quelques années un Lee Daniels un brin goguenard. Producteur d’A l’ombre de la haine avec Halle Berry, de The Woodsman, réalisateur d’un premier film en 2005 resté inédit en France, Shadowboxer (avec Helen Mirren), Lee Daniels atteint le graal en 2009 avec Precious, pamphlet ténébreux d’une Amérique miséreuse qui persiste à s’imaginer “belle”, auréolé de deux oscars et du prix du Jury en 2009 au Festival de Deauville. Un long-métrage totalement habité par son actrice Gabourey Sidibe dans le rôle de Claireece “Precious” Jones, cette jeune fille obèse et illettrée, martyrisée par sa mère, enceinte pour la seconde fois d’un père absent, et qui pourtant s’acharne à contrarier un destin qui semble déjà écrit. Precious ou le fer de lance d’une œuvre dérangeante, éprouvante.

Quoi ?
Pour sa première entrée en compétition à Cannes, Lee Daniels renoue avec le polar, genre avec lequel il avait fait ses débuts derrière la caméra. The Paperboy s’annonce comme un thriller érotique et sulfureux, quelque chose, paraît-il, entre Chinatown et La Fièvre au corps de Lawrence Kasdan. Dans les années 1960, deux frères journalistes (Matthew McConaughey et Zac Efron) enquêtent à la demande d’une mystérieuse femme, Charlotte (Nicole Kidman), sur un condamné à mort (John Cusack) accusé d’avoir éventré le shérif local quatre ans plus tôt. Peut-être la fin d’une certaine errance artistique pour l’actrice australienne (si ce n’est un récent et pas si mal Rabbit Hole), qui signera donc son grand retour sur la Croisette depuis Dogville.

 

Killing Them Softly d’Andrew Dominik

Killing Them Softly, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
A 44 ans, Andrew Dominik est un cinéaste qui aime prendre son temps. Un premier long-métrage en 2000, Chopper, portrait drôle et brutal du légendaire criminel australien Chopper Read qui révéla à l’époque un certain Eric Bana. Puis, plus rien pendant sept ans. Sept ans de réflexion qui débouchent sur une ahurissante fresque psychologique : L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford avec Brad Pitt et Casey Affleck. Une sorte d’anti-western majestueux et mélancolique. Un face-à-face mental vertigineux où les meurtrissures de l’âme supplantaient la violence des armes. Magnifique !

Quoi ?
Cinq ans après avoir filmé l’ultime vagabondage de Jesse James, Andrew Dominik retrouve de nouveau Brad Pitt pour son dernier long-métrage Killing them Softly, adapté du roman Cogan’s Trade de George V. Higgins. Au cœur d’un Boston criminel, l’acteur y jouera les tueurs à gages, chargé par un truand d’enquêter sur un vol qui s’est déroulé lors d’un tournoi de poker organisé par la mafia. Ambiance gros bras et gros calibres. Le roman de George V. Higgins étant reconnu pour son humour abrasif et sa violence effrénée, Killing them Softly se positionne d’ores et déjà comme l’un des films très attendus de la compétition.

 

Reality de Matteo Garrone

Reality, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Matteo Garrone, c’est L’Etrange Monsieur Peppino, une fable noire sur le thème de La Belle et la Bête qui remporte un vif succès en 2002 dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. C’est le chef opérateur de Moretti pour Le Caïman. C’est également un Premier amour qui lui vaut en 2005 un Ours d’argent de la Meilleure musique au Festival de Berlin. Mais c’est surtout Gomorra, pour lequel Matteo Garrone reçoit le Grand Prix au Festival de Cannes 2008. Une plongée saisissante au cœur de la Camorra, la toute-puissante mafia napolitaine, inspirée du livre-enquête éponyme de Roberto Saviano. De qualité quasi documentaire, influencé par le néoréalisme de Rossellini et de Francesco Rosi, Gomorra décrit une mafia bien loin du cliché romantique du Parrain de Coppola ou des Affranchis de Scorsese. Garrone y filme les “petites mains”, les “soldats” ordinaires d’une organisation totalement intégrée à la société italienne.

Quoi ?
Avec Reality, Matteo Garrone se penchera sur un autre monde, mais tout aussi ancré dans le quotidien de l’Italie populaire, celui de la téléréalité. Avec, en toile de fond, les ravages que génère cette illusion de célébrité. Construite autour de l’émission Grande Fratello, l’équivalent transalpin de Big Brother ou de notre Loft, l’intrigue suivra le parcours d’un patron de poissonnerie qui, totalement fasciné par le jeu, décide de calquer sa vie sur celle de ses participants. Porté par un casting d’acteurs peu connus, Reality pourrait être le film des révélations.

 

Amour de Michael Haneke

Amour, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Michael Haneke, c’est Funny Games et son remake US, La Pianiste, Caché et la Palme d’or 2007 Le Ruban blanc, l’histoire d’un village de l’Allemagne du nord à la veille de la Première Guerre mondiale, dans lequel le narrateur fut instituteur dans sa jeunesse. Haneke, c’est la violence suggérée, le spectateur pris à témoin des questions sociales, politiques, culturelles ou morales, l’observation de la décomposition familiale ou de la déshumanisation des classes bourgeoises, mais aussi la critique des médias de masse et de la culture du divertissement, la dénonciation du racisme… Bref un mec qui nous fait bien marrer.

Quoi ?
Haneke a enfin réalisé son ancien projet sur la canicule de 2003 et la solidarité à l’égard des personnes âgées… Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert réunis pour conter l’histoire de deux octogénaires, Georges et Anne, professeurs de musique à la retraite dont la vie va basculer le jour où Anne est victime d’un accident…

 

Des hommes sans loi de John Hillcoat

Lawless, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
John Hillcoat, c’est ce réalisateur australien qui, en 2009, avait magistralement su donner vie à l’apocalypse de Cormac McCarthy, La Route, avec Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee. Qui dit John Hillcoat dit souvent également Nick Cave, le chanteur ayant prêté main-forte à deux reprises déjà au cinéaste pour l’écriture en 1988 de son premier film Ghosts… of the Devil Dead, ainsi que pour sa formidable Proposition (2005), un western à la fois brutal et poétique, porté par la musique de Cave himself et dont la mélancolie n’est pas sans rappeler L’Assassinat de Jesse James d’Andrew Dominik. Une fresque éblouissante sur les tensions sociales et raciales qui traversaient l’Australie de la fin du XIXe siècle. Entre voyage initiatique et délire onirique.

Quoi ?
Des hommes sans loi, c’est l’histoire vraie de Jack, Forrest et Howard Bondurant, respectivement interprétés par Shia LaBeouf, Tom Hardy et Jason Clarke. Trois frères qui, pendant la Grande Dépression, décident de faire fortune dans la contrebande d’alcool. Mais arrive le temps de la prohibition qui risque de mettre en péril le bon déroulement de leurs petites affaires. Il va falloir rendre des comptes… Pour l’anecdote, le film est adapté du roman de Matt Bondurant Pour quelques gouttes d’alcool dont le récit s’inspire de la vie des ancêtres du romancier. Une fois encore, scénario et musique seront signés Nick Cave. Et aux côtés du trio d’acteurs, on retrouvera également Guy Pearce, l’un des acteurs fétiches de John Hillcoat, Gary Oldman, Jessica Chastain ou encore Mia Wasikowska. Un joli gratin !

 

In Another Country de Hong Sang-soo

In Another Country, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Hong Sang-soo aime l’art et la France. Ses films reflètent ses goûts, puisqu’on y croise des écrivains ratés (Le Jour où le cochon est tombé dans le puits), des comédiens amoureux (Turning Gate), des peintres exilés à Paris (Night and Day), des cinéastes d’art et essai en mal d’inspiration (Woman on the Beach, Les Femmes de mes amis, Hahaha). Avec humour et mélancolie, Hong Sang-soo aime raconter ses histoires sous différents points de vue, une façon pour lui d’être surpris par ses propres personnages.

Quoi ?
Le plus européen des cinéastes asiatiques revient avec In Another Country, toujours inspiré par la création artistique : cette fois, une jeune femme écrit un scénario qui met en scène trois fois le même personnage, incarné par Isabelle Huppert. Cinéma d’auteur, réflexion sur la création, France, Isabelle Huppert : un cocktail que les critiques cannois aiment. D’autant qu’habituellement présent dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes, Hong Sang-soo fait son retour en compétition officielle depuis le très remarqué La femme est l’avenir de l’homme.

 

The Taste of Money de Im Sang-soo

The Taste of Money, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Dans chacun de ses films, Im Sang-soo ausculte la société coréenne, sous un angle directement politique (Le Vieux Jardin, The President’s Last Bang) ou de manière plus souterraine, pénétrant la sphère de l’intime et de la sexualité (Girls Night Out, Une femme coréenne, et le génial remake de La Servante, The Housemaid). Digne représentant de la nouvelle vague sud-coréenne au même titre que Bong Joon-ho et Park Chan-wook, il se démarque par le réalisme dont ses films sont empreints.

Quoi ?
Im Sang-soo poursuit son travail de décryptage d’une société corrompue et pervertie. Comme dans The Housemaid, The Taste of Money confronte une famille de puissants à un individu ordinaire, qui devra choisir entre son intégrité et sa soif de pouvoir. On fait confiance à Im Sang-soo, en véritable entomologiste de la Corée, pour transposer à l’écran le malaise d’un monde dont les règles sont cruellement bafouées par les riches quand les pauvres et les idéalistes encaissent.

 

Like Someone in Love de Abbas Kiarostami

Like Someone in Love, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Abbas Kiarostami, c’est quarante ans de films, courts et longs. Il est l’un des réalisateurs iraniens les plus prolifiques – et le plus exporté hors des frontières iraniennes. On lui doit quelques œuvres magnifiques, notamment Le Goût de la cerise, Copie conforme et La Trilogie de Koker (Où est la maison de mon ami ?, Et la vie continue, Au travers des oliviers). Ses films sont empreints de poésie et de spiritualité, le thème de la vie et de la mort étant souvent présent.

Quoi ?
Le titre Like Someone in Love fait référence à un standard d’Ella Fitzgerald. Le film raconte l’histoire d’Akiko, étudiante japonaise qui se prostitue pour payer ses études. Elle fait la rencontre d’un vieil universitaire érudit et va nouer avec lui une relation singulière. Habitué de la Croisette – en tant que réalisateur en compétition ou membre du jury -, Abbas Kiarostami est déjà auréolé d’une Palme d’or pour Le Goût de la cerise. Rejoindra-t-il le cercle très restreint des doubles palmés aux côtés de Francis Ford Coppola, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Emir Kusturica, Bille August et Shohei Imamura ?

 

La Part des anges de Ken Loach

La Part des anges, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Ken Loach. Un fidèle de Cannes… 1990 : prix du Jury pour Secret Défense. 1993 : prix du Jury pour Raining Stones. 2006 : Palme d’or pour Le vent se lève. Cinéaste engagé dont on dit souvent qu’il est le fondateur de la vague néoréaliste du cinéma britannique, ses personnages sont des chauffeurs de bus, cheminots, chômeurs, travailleurs immigrés qui galèrent dans des quartiers défavorisés du Royaume-Uni. Et quand il ne dénonce pas les réalités sociales, il s’attaque à l’histoire comme dans le magnifique Land and Freedom sur la guerre d’Espagne. Elu au conseil national du parti d’extrême gauche RESPECT, il a apporté son soutien à Philippe Poutou pendant la campagne présidentielle – après avoir soutenu Olivier Besancenot en 2007 et Arlette Laguiller en 1995. A noter que le bonhomme a un péché mignon : le foot. Actionnaire du club de foot de Bath, il fait marrer la Croisette en 2009 avec Looking for Eric, comédie sociale un brin fantastique avec Eric Cantona dans le rôle… d’Eric Cantona.

Quoi ?
27e film du monsieur, La Part des anges conte l’histoire d’un jeune père de famille (Paul Brannigan) qui, après avoir échappé à une peine de prison, décide d’ouvrir une distillerie de whisky avec l’aide d’un travailleur social. Oui mais voilà qu’il se découvre une passion et un don pour la dégustation de cet alcool.

 

Dans la brume de Sergei Loznitsa

Dans la brume, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Sergei Loznitsa est d’abord un documentariste engagé : il signe de nombreux films traitant de son pays, la Russie, dont le multirécompensé Today we are Going to Build a House, avant de présenter au Festival de Cannes en 2010 son premier film de fiction, My Joy. On y suit les aventures d’un routier qui fait d’étranges rencontres, celles d’une famille de la Russie profonde, celles d’un couple au mauvais endroit… De son propre aveu, Sergei Loznitsa n’a recours aux dialogues et au son qu’en cas d’absolue nécessité. Il propose un cinéma sans concession et en rupture narrative avec la production actuelle.

Quoi ?
Même si My Joy traite de la Russie comme peu de films – par ailleurs, le cinéma russe n’inonde pas nos salles -, il faut bien avouer que Sergei Loznitsa ne fait rien pour aider le spectateur à saisir l’essence de l’oeuvre. Le second film de Loznitsa, Dans la brume, attaque cette fois de front l’histoire russe : en Biélorussie en 1942, un employé des chemins de fer est accusé de collaboration et deux résistants sont envoyés pour le tuer. Un pendant minimaliste au terrifiant Requiem pour un massacre d’Elem Klimov ?

 

Derrière les collines de Cristian Mungiu

Derrière les collines, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Cristian Mungiu, c’est la Palme d’or 2007 (et un prix de l’Education nationale dans la foulée) : 4 mois, 3 semaines, 2 jours, chronique d’un avortement illégal dans la Roumanie de la fin des années 1980. Un film violent, intelligent et engagé qui explorait les clivages hommes/femmes, la possibilité de ces dernières à disposer de leur corps, leur éternelle solitude et leur quête d’une possible liberté. Cette Palme venait également consacrer l’émergence du nouveau cinéma roumain. Cristian Mungiu appartient à ces réalisateurs du mouvement “Post-décembre” – période qui débute après la chute du régime Ceaucescu en décembre 1989 – et depuis 2005, pas une année ne s’écoule (ou presque) sans qu’un cinéaste roumain ne se distingue sur la Croisette (Corneliu Porumboiu, Cristi Puiu et Catalin Mitulescu). Sur le CV de Mungiu, on note qu’il a collaboré avec Bertrand Tavernier sur Capitaine Conan et Radu Mihaileanu sur Train de vie avant de signer son premier long-métrage Occident puis l’un des segments des Contes de l’âge d’or, série de courts-métrages dévoilant ce qu’est une vie en Europe de l’Est aujourd’hui.

Quoi ?
On ne sait pas grand-chose de Derrière les collines, si ce n’est que Cristian Mungiu livre une nouvelle fois une histoire de femme sur fond d’exorcisme et d’enquête policière. Celle d’Alina, une jeune femme qui rentre au pays après avoir vécu en Allemagne, retrouve son amie d’enfance qui vit dans un monastère orthodoxe et lui demande de repartir avec elle. Un film qu’on imagine sobre et efficace et que l’on attend avec impatience.

 

Après la bataille de Yousry Nasrallah

Après la bataille, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Assistant de Youssef Chahine (Gare centrale) au début de sa carrière, Yousry Nasrallah a été à bonne école pour devenir aujourd’hui l’une des figures de proue du cinéma égyptien. Le sien est militant, toujours libre, parfois sauvage. Entre documentaires (A propos des garçons, des filles et du voile) et fictions (Femmes du Caire), Nasrallah interroge la société de son pays, et celles du monde par la même occasion, sur la jeunesse égyptienne, la condition féminine, l’homosexualité, la religion, la politique. Le cinéaste a notamment largement pris part aux événements du Printemps arabe en 2011 en allant filmer les manifestants de la place Tahrir. Et c’est ce film qui est allé rejoindre les dix-huit autres courts pour donner naissance à ce remarquable projet collectif 18 jours, la réunion de 18 films tournés dans l’urgence de la révolution.

Quoi ?
Les événements de la place Tahrir, justement, sont une nouvelle fois à l’origine du nouveau film de Yousry Nasrallah, Après la bataille. Le récit s’inspire plus particulièrement de l’épisode survenu le 2 février 2011, jour où des cavaliers juchés sur des chameaux et des chevaux ont chargé la foule, cravachant les manifestants. Des images qui ont fait le tour du monde. Et des images sur lesquelles Yousry Nasrallah a souhaité nous interroger. Après la bataille nous contera la rencontre amoureuse entre une révolutionnaire de la place Tahrir campée par Mena Shalaby, et l’un de ces cavaliers, incarné par Bassem Samra, un complice du cinéma de Nasrallah. Qui étaient véritablement ces cavaliers ? Comment se sont-ils retrouvés là en ce jour de février ? Etaient-ils des sbires convaincus du pouvoir ou de simples pauvres types instrumentalisés par un Moubarak aux abois ? Vingt-quatre ans après sa venue au Festival pour Vols d’été, Yousry Nasrallah viendra pour la quatrième fois fouler le tapis rouge.

 

Mud de Jeff Nichols

Mud, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
C’est déjà au Festival de Cannes que Jeff Nichols doit sa renommée grandissante : en 2011, il y présentait à la Semaine de la critique son deuxième film, Take Shelter. Le film faisait l’unanimité et remportait le Grand Prix de la Semaine internationale de la critique. Depuis, on s’est tous intéressés – avec du retard – à son premier film, Shotgun Stories, et son nouvel opus, Mud, est directement sélectionné en compétition au 65e Festival de Cannes. Celui que tout le monde désigne comme un héritier de Terrence Malick ne cache d’ailleurs pas son admiration pour le maître : La Balade sauvage constitue l’un de ses films de chevet, aux côtés de L’Arnaque et Luke la main froide.

Quoi ?
Mud, c’est l’histoire d’un mystérieux fugitif réfugié sur une île du Mississippi et de sa rencontre avec deux adolescents. Jeff Nichols dit avoir voulu faire un film sur les outsiders, ces gens qui ne sont à leur place nulle part. Il continue surtout d’explorer la cellule familiale et ses crises, et donne toujours une place prépondérante à la nature, lieu de tous les possibles, aussi fascinant qu’effrayant. Mud, c’est avec Matthew McConaughey, la belle Reese Witherspoon, souvent cantonnée aux comédies romantiques alors qu’elle a du talent à revendre, et Tye Sheridan, déjà fils de Brad Pitt dans The Tree of Life de Terrence Malick – après Jessica Chastain dans Take Shelter, voilà un autre signe de la filiation Malick-Nichols.

 

Vous n’avez encore rien vu de Alain Resnais

Vous n'avez encore rien vu, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Alain Resnais… c’est Nuit et brouillard, Hiroshima mon amour, Providence, Smoking, No Smoking ou plus récemment On connaît la chanson et Les Herbes folles. Si ces dernières créations sont pour le moins ludiques, le réalisateur commença sa carrière par des documentaires aux sujets graves (la guerre d’Espagne vue par Picasso, le génocide nazi)… Tantôt surréalistes et psychanalytiques (Je t’aime je t’aime (1968) et Providence (1977), La vie est un roman (1983), L’Amour à mort (1984), tantôt miroirs des préoccupations politiques et sociales du monsieur (le traumatisme de la guerre d’Algérie avec Muriel (1963), les scandales financiers de la IIIe République avec Stavisky (1974)), ses films sont toujours “enchantés”, proches de l’opéra.

Quoi ?
Alors qu’il fêtera ses 90 printemps quelques jours après le palmarès cannois, Resnais annonce la couleur avec un titre de film explicite : Vous n’avez encore rien vu. Ben quand même avec Les Herbes folles, on avait cru comprendre, mais bon. Cette fois, le voilà qui adapte Eurydice de Jean Anouilh avec, pour ne pas changer une équipe qui gagne, Sabine Azéma, Anne Consigny, Pierre Arditi, Lambert Wilson, Mathieu Amalric, Michel Piccoli, Denis Podalydès, Anny Duperey… Chacun y incarnera son propre rôle. Convoqués par un homme de théâtre disparu, ils devront juger une jeune troupe voulant jouer la version d’Eurydice qu’eux-mêmes avaient jouée jadis. Soit.

 

Post tenebras lux de Carlos Reygadas

Post tenebras lux, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
En seulement trois films depuis 2002 (Japón, Batalla en el cielo et Lumière silencieuse), Carlos Reygadas s’est imposé comme l’un des metteurs en scène phares du cinéma mexicain. Influencé par Andreï Tarkovski et Carl Theodor Dreyer, on trouve dans ses films des échos implicites (la beauté des paysages, l’économie de paroles, la réalisation minutieusement réglée) mais aussi des références directes : ainsi le mysticisme de Lumière silencieuse emprunte-t-il directement son final au Ordet de Dreyer. Subtile et faisant une large place aux sensations, l’œuvre de Carlos Reygadas interroge la foi, se rapprochant également ainsi de celle du cinéaste français Bruno Dumont.

Quoi ?
De Post tenebras lux, on sait peu de choses. Si ce n’est que la foi semble toujours présente : le titre est extrait du Livre de Job et signifie « Après les ténèbres, la lumière ». Carlos Reygadas précise que son nouveau film est en grande partie autobiographique et y convoque ses souvenirs, ses rêves et ses peurs. La beauté formelle de Reygadas laisse présager une nouvelle œuvre unique et toute en sensations. Après la claque The Tree of Life l’année dernière, le jury récompensera-t-il de nouveau cette année un film éthéré ?

 

Sur la route de Walter Salles

Sur la route, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Quasi inexistant depuis le début des années 1980, le cinéma brésilien retrouve ses lettres de noblesse en 1991, lorsque Walter Salles signe son premier film, A grande arte. Il enchaîne ensuite avec Terre lointaine et surtout Central do Brasil, qui bénéficie d’une reconnaissance internationale. Non content de devenir le cinéaste brésilien de référence, Walter Salles produit également de nombreux films, parmi lesquels La Cité de dieu, de son compatriote Fernando Meirelles.

Quoi ?
Comme son titre l’indique, Sur la route est l’adaptation du roman de Jack Kerouac. Après avoir mis en scène Central do Brasil, voyage initiatique dans le Nordeste, et Carnets de voyage, road-movie inspiré des récits d’Alberto Granado et Ernesto Guevara, la suite logique est bien d’adapter le roman phare de l’itinérance. Ce troisième essai pourrait bien être celui de la consécration, tant Salles excelle dans le genre, secondé par Sam Riley en Sal Paradise, acteur à fleur de peau révélé dans Control d’Anton Corbijn.

 

Paradis : Amour de Ulrich Seidl

Paradis : Amour, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
En 2007, Ulrich Seidl était déjà présent à Cannes avec Import export, dans lequel il dénonçait le commerce des corps. Avant cela, le cinéaste autrichien avait signé de nombreux documentaires, ainsi que le remarqué Dog Days, récompensé à Venise en 2001.

Quoi ?
Seidl entame avec Paradis : Amour une trilogie consacrée à la sexualité en Autriche. Ce premier épisode suit le parcours de trois femmes de la même famille qui vivent différemment leur épanouissement amoureux : l’une est adepte du tourisme sexuel, une autre propage autour d’elle sa passion pour le Christ, la dernière va explorer sa sexualité dans un centre d’amaigrissement. Si Paradis : Amour est aussi glauque et abscons que l’était volontairement Import export, sa vision ne devrait laisser personne indifférent, que le film soit apprécié ou non…

 

The Hunt de Thomas Vinterberg

The Hunt, en compétition au 65e Festival de CannesQui ?
Qui dit Thomas Vinterberg dit Festen bien sûr, récompensé à Cannes du prix du Jury en 1998, l’histoire de cette inoubliable et ahurissante réunion de famille à l’atmosphère abrasive, LE film étendard de l’école du Dogme, dont Vinterberg était l’un des fondateurs en 1995 avec Lars von Trier, Kristian Levring et Søren Kragh-Jacobsen. Suivaient deux films moins connus et de qualité assez médiocre : It’s All About Love (avec entre autres Joaquin Phoenix, Claire Danes et Sean Penn) et Dear Wendy (sur un scénario signé Lars von Trier). Dans Submarino, son dernier long-métrage, Vinterberg filmait la descente aux enfers violente et inexorable d’un jeune père incapable d’assumer sa charge. Un film asphyxiant, trop diraient certains, dans la veine de son Festen, sans pour autant en avoir le génie.

Quoi ?
Ce n’est pas encore cette année que les dépressifs pourront aller au bout d’un Vinterberg. Décidément très inspiré par la maltraitance sexuelle, le cinéaste danois viendra présenter aux festivaliers sa toute dernière histoire drôle, The Hunt : un quadragénaire installé dans une gentille petite ville de province commence tout juste à reprendre pied après un divorce douloureux, lorsqu’on l’accuse d’avoir abusé d’une fillette de 5 ans. Mensonge ou vérité ? Peu importe, la rumeur court déjà… Dans le rôle principal, Mads Mikkelsen fera ses premiers pas dans la compétition. Et ça, c’est une très bonne nouvelle. Héros charismatique des deux premiers épisodes de la trilogie Pusher de Nicolas Winding Refn, il est également son mystérieux et génial guerrier silencieux dans Valhalla Rising. L’acteur pourrait bien ne pas revenir bredouille de ces joyeuseries cannoises.

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