Rencontre avec Xavier Laurent

 

Xavier LaurentXavier Laurent… Son nom ne vous dit peut-être encore rien mais il se destine pourtant sans aucun doute à figurer parmi les castings des prochaines productions anglo-saxonnes. Comment ce petit Frenchie s’est-il retrouvé à jouer aux côtés de pointures telles que George Clooney (Monuments Men) ou Bruce Willis (Red 2) ? Comment a-t-il fini par figurer sur la brûlante short-list pour incarner Christian Grey ? Quelles sont les différences entre les tournages bien de chez nous et ceux made in USA ? Xavier Laurent nous raconte…

 
Comment avez-vous su que vous alliez devenir comédien ?

Je viens du sud de la France et j’ai fait des études d’économie internationale qui m’ont conduit à me rendre à Montréal. Là-bas, je ne savais pas trop ce que je voulais faire et j’ai commencé à m’intéresser à d’autres choses, notamment dans le milieu artistique. C’est là que j’ai découvert le théâtre. Tout est alors devenu limpide, cela réunissait tout ce que j’aimais. A mon retour en France, j’ai décidé de changer de vie et je suis monté à Paris pour devenir comédien. J’ai ainsi fait le Cours Florent et différents ateliers pour tester plusieurs méthodes, dont celles américaines qui m’ont beaucoup apporté. Je me suis inséré dans ce milieu avec la série télé La vie devant nous, sur TF1. C’était une série assez novatrice pour l’époque. Nous avions carte blanche pour les histoires, il y avait beaucoup de budget et nous tournions avec des réalisateurs de cinéma. La série a d’ailleurs remporté un joli succès et a eu le mérite de faire éclore tout un vivier de comédiens.

Comment passe-t-on d’une série télévisée française sur TF1 aux tournages outre-Manche et outre-Atlantique ?

J’ai mis un peu de temps pour changer l’image que je véhiculais. J’ai fini par tenter l’aventure à l’étranger pour faire de nouvelles rencontres. Après une remise à niveau de mon anglais, je suis parti à Londres et j’ai rencontré des agents artistiques, des directeurs de casting… Et j’ai décroché mon premier rôle dans une grosse production américaine, Rush de Ron Howard. J’y interprétais un pilote automobile avec Daniel Brühl pour partenaire. C’était ce que je recherchais depuis longtemps et j’avais fait des pieds et des mains pour avoir ce rôle. Et j’avais eu le rendez-vous non pas grâce à mon agent de l’époque, mais grâce à l’un des agents artistiques les plus célèbres outre-Manche, Christian Hodell, quelqu’un d’adorable et de très altruiste. Malheureusement, j’ai été coupé au montage pour les besoins du film et j’en ai été très déçu. Mais malgré tout, ça a été une merveilleuse exposition pour moi : ça m’a permis de changer de catégorie et m’a ouvert des portes.

Et c’est comme ça que l’on vous a retrouvé ensuite sur des plateaux de grosses productions américaines…

Monuments MenOui. Je suis arrivé ensuite sur le tournage de Red 2, avec Bruce Willis, grâce à l’aide d’un ami producteur, Daniel Konrad Cooper. C’était incroyable. Bruce Willis était très gentil et tout le tournage était détendu, tout en étant très professionnel. C’est grâce à cette expérience que j’ai pu tourner dans Monuments Men de George Clooney, qui est le mec le plus cool de la Terre ! J’étais comme un dingue : le tournage était en Angleterre et j’avais une scène avec Matt Damon dont je suis fan. S’ils étaient tous adorables sur le plateau, ils devenaient de véritables machines de guerre ultra-professionnelles une fois que la caméra tournait. Ce fut un gros coup de pression pour moi, je n’avais pas le droit de me rater, mais ils font tout pour vous mettre à l’aise. Forcément, après une telle expérience, tu as envie que les projets s’enchaînent… J’ai alors changé d’agence artistique à Londres et c’est Dawn Green chez CAM qui s’occupe de moi désormais, ainsi que des comédiens de renom comme Martin Freeman et Aidan Turner. Pour la France, c’est Julien Lamy de l’agence 3A qui s’occupe de moi.

Quelles différences faites-vous entre tourner en France et tourner pour Londres ou Hollywood ?

Même si j’adore travailler en France, je suis en train de me placer de plus en plus sur des projets internationaux. Mais il y a des avantages et des inconvénients dans les deux systèmes. En France, nous faisons 250 films par an, mais le marché est plus sclérosé qu’à l’étranger. On y favorise plus les réseaux, on manque parfois de curiosité, car on n’a moins de temps. Il n’y a pas cette approche anglo-saxonne qui consiste à dénicher et promouvoir de nouveaux talents. Là-bas, on se dit qu’un nouveau talent finira peut-être par devenir une star. Les producteurs paient moins, mais ils misent sur l’avenir. Et surtout, le marché est colossal ! Tout le monde te répond ou te rencontre. Simplement, la concurrence est rude, le niveau des acteurs est tellement élevé. Et ils ont cette culture du résultat. Tu peux donc disparaître aussi rapidement que tu es monté. En France, il y a une vraie reconnaissance du travail accompli. On ne t’oubliera pas, même si tu rencontres quelques “bas” après tes “hauts”. Il faut aussi souligner que les écoles anglaises sont certes de qualité, mais extrêmement chères. Chez nous, il existe des écoles de théâtre gratuites qui offrent de belles opportunités pour tout le monde. Mais le milieu anglo-saxon est très transparent, très bien organisé, là où en France, cela reste un peu plus opaque. C’est parfois difficile d’obtenir des informations.

Et au niveau du jeu ?

Là aussi, l’approche est différente. Dans le cinéma français, en général, on te prend plus pour ta personnalité. Dans le cinéma anglo-saxon, il faut être capable de se transformer, de pouvoir jouer tous les types de personnages, de manier différents accents. En revanche, sur les plateaux, l’avantage français est que tout est plus à échelle humaine, alors que sur les films à gros budgets à l’étranger, on est à la disposition de la production. Tout est fragmenté, sécurisé à l’extrême.

Et quand vous tournez à l’étranger, restez-vous le Français de service ?

Pour le moment, c’est vrai qu’on me donne des rôles de Français. C’est ma spécificité. Il faut travailler énormément sur l’accent. Pour le gommer, cela prend beaucoup de temps…

Quels acteurs francophones à la carrière internationale vous inspirent ?

Reda Kateb. Chapeau bas ! C’est un gros bosseur et il fait une belle carrière. Il y a aussi Elodie Yung qui sera le premier rôle du prochain long d’Alex Proyas, Gods of Egypt ; Grégory Fitoussi, également, qui enchaîne pas mal de bons projets ; bien entendu Marion Cotillard qui a une carrière hallucinante, mais aussi Matthias Schoenaerts, Omar Sy, Juliette Binoche qui est géniale, et bien sûr Jean Dujardin qui a créé une ouverture incroyable pour les acteurs français. C’est le patron !

Vous vous destinez donc à poursuivre votre carrière internationale…

Bone in the ThroatOui, je vais bientôt tourner dans un film franco-hispano-suisse, tourné en anglais, Lost Paradise, un road movie qui se passe en Espagne, dans un univers fantastique. J’ai aussi joué dans un film anglais, Bone in the Throat de Graham Henman, avec Ed Westwick. C’est une comédie loufoque tirée d’un livre d’Anthony Bourdain où je joue un chef cuisinier en plein burn out. C’est un film qui a fait sa première au festival international SxSW, à Austin. Je vais bientôt travailler aussi avec Geoffroy Koeberle qui fut notamment assistant réalisateur sur pas mal de projets US. Il s’agira d’un film tourné en anglais entre Paris et Seattle et adapté de la BD Zombies. J’aime en général les univers denses, atypiques et les personnages hauts en couleur…

Avec tous ces projets à l’étranger, continuez-vous malgré tout à tourner en France ?

Oui, J’ai récemment tenu le premier rôle pour un long-métrage indépendant intitulé Cuba libre, réalisé par Caroline Chomienne, avec Nathalia Acevedo, Laura Boujenah et Nitsa Benchetrit. J’ai aussi produit, coécrit et joué dans un court-métrage qui se passe dans le monde manouche, Dessous la caravane, réalisé par Yohan Ungar et je m’apprête à réaliser mon premier court qui se passera durant la Première Guerre mondiale. Ca s’appellera Les Rats.

Comment voyez-vous votre carrière à l’avenir ?

Je me vois comme un aventurier, je n’aimerais pas travailler sur les mêmes choses, j’ai une vraie soif de découvertes, de rencontres. L’envie de me cultiver, de travailler partout, dans tous les pays. Ce serait formidable une globalisation totale du cinéma, de passer de Bollywood à Hollywood en passant par la France et l’Europe… Je me vois aussi en homme orchestre : produire, réaliser, jouer, écrire et enseigner, aussi.

Est-il vrai que vous avez failli jouer le rôle convoité de Christian Grey dans 50 Shades of Grey ?

Oui ! Ca a été une belle surprise dans le sens où je me suis retrouvé sur la short-list pour ce film. Je ne connaissais d’ailleurs pas les livres. J’étais donc un peu inquiet quand j’ai su de quoi il s’agissait ! Mais je l’aurais fait évidemment si j’avais été pris, même si cela veut dire s’engager sur plusieurs années pour le même rôle et tourner des scènes de sexe plutôt corsées…

 
Note de la rédaction : à l’heure de la publication de ces lignes, nous avons appris que Xavier Laurent rejoindra le casting d’Inferno de Ron Howard, la suite du Da Vinci Code.