Cet article a été écrit sur fond de :
Mon enfance de Barbara
The Water de Johnny Flynn et Laura Marling
Close Watch et On Powdered Ground d’Agnes Obel
L’autrefois et l’aujourd’hui
Carine Tardieu est une jeune cinéaste à l’œuvre naissante. Deux courts-métrages (Les Baisers des autres, L’Aîné de mes soucis) et deux longs à son actif (La Tête de Maman, Du vent dans mes mollets), où la grâce de l’enfance et les névroses adultes se font la courte échelle. De son univers aux contours tracés à la craie, elle nous extrait et commente (ci-après) quelques-uns des éléments fondateurs.
Il y a ainsi de belles rencontres. Celles qui tissent un lien durable entre deux êtres sur un territoire commun, une zone franche à défricher ensemble avec joie. La réalisatrice Carine Tardieu et l’écrivain Raphaële Moussafir font partie de ces chanceuses qui ont su, un jour, se trouver. Elles sont désormais amies et adaptent, main dans la main, le roman de la seconde, Du vent dans mes mollets. Soit l’histoire d’une petite fille qui apprend à grandir. Un récit aux faux airs de conte, peuplé d’une mère ogresse qui s’ignore (Agnès Jaoui, émouvante et généreuse), d’une mère-grand muette (Judith Magre, belle et mutine), d’une psy passeuse de Styx (c’est Isabella Rossellini, reine de l’autodérision et de la séduction larvées – jolie prouesse), d’un père à la douce fermeté, porteur d’une souffrance secrète (c’est Denis Podalydès, plus exact que jamais dans l’émotion et le burlesque combinés).
Tous investissent avec tonicité cette histoire romanesque où les traumatismes enfantins, l’atavisme, ses dégâts en héritage, le deuil, mais aussi le bonheur d’être vivant, celui d’aimer et de l’être en retour, se clament haut et fort. Tant et si bien que ce récit ouvertement inscrit dans les années 1980 transcende son époque. Les accessoires y sont vintage, mais les décors ont un appétit féroce : les couleurs pastel comme acidulées font bon ménage dans ce monde jamais clos où le trivial et le fantasque, le burlesque et le romantisme, les vues du ciel, comme celles à hauteur de gamine, s’affrontent avec franchise.
Que ce petit monde est joyeux, triste, hilarant et déchirant à la fois ! Qu’elle est bouleversante cette séquence de lutte face à la tentation d’un baiser et ses risques induits… Denis Podalydès, enfin envisagé à l’écran en être réellement sexué, y est remarquable face à la délicate Isabelle Carré : quel couple magnifique !
La grâce anime ce petit manège, cette toupie enchantée qui tourne à perdre haleine, autour de la psychanalyse d’une petite fille bien moins dérangée que son entourage. Nul ici ne cherche refuge dans une enfance enfouie à jamais, mais tous tentent d’en extraire et d’en célébrer le plus beau don transmis par les parents à leurs enfants : un élan vital, vibrant et profond.