Psychanalyste, essayiste et écrivain, Philippe Grimbert a fait de la “différence” son thème de prédilection. Engagé auprès de jeunes autistes ou psychotiques au cœur d’instituts médico-spécialisés, Philippe Grimbert s’efforce également à travers ses romans (La Petite Robe de Paul, Un secret, La Mauvaise Rencontre, Un garçon singulier) de poser des mots sur les drames et les blessures de l’enfance, sur les secrets enfouis et leurs résonances. De rendre compte de la difficulté de se construire lorsque l’on se sent à part. Son écriture sensible et délicate a conquis par deux fois déjà les écrans du cinéma et de la télévision (Un secret de Claude Miller et La Mauvaise Réputation de Josée Dayan). A son tour, Philippe Grimbert nous livre, en vrac, les souvenirs de toiles qui ont marqué sa vie et nourri ses réflexions.
Le premier film vu ?
Curieusement il me reste deux souvenirs de ce que serait mon premier film… Un film de guerre, Le Pont [de Bernhard Wicki, 1959, ndlr] – curieux choix parental – dans lequel des écoliers allemands sont chargés durant la dernière guerre mondiale de défendre le pont de leur village ; et un dessin animé, le célèbre Bambi… Tous deux m’ayant laissé un sentiment de grande tristesse… et l’idée que le cinéma est une machine à faire pleurer.
Par quel genre de films a été bercée votre adolescence ?
Cette période de ma vie m’a fait découvrir les grands classiques, du côté de l’émotion et de l’imaginaire avec Fellini, du côté de la réflexion et de la conscience politique avec Godard… Mais s’il y a un film qui m’a fait grandir, c’est peut-être Jeux interdits avec, notamment, son insoutenable scène finale dans la gare. Comment la folie meurtrière des hommes éclabousse l’innocence des enfants.
Le premier film qui vous ait fait rire aux larmes ?
Chaplin et ses Temps modernes, je n’ai jamais oublié que, revenant avec ma grand-mère du cinéma où était projeté le film, je me suis couronné les genoux en essayant d’imiter la célèbre démarche en canard de Charlot… J’ai beaucoup pleuré après avoir beaucoup ri….
Y a-t-il eu un film interdit que vous avez essayé de vous procurer par tous les moyens ?
On parlait beaucoup dans les années 1970 d’un film érotique – même pornographique -, Derrière la porte verte [de Artie et Jim Mitchell, 1972, ndlr] qui avait des ambitions esthétiques inhabituelles dans ce genre de productions… Bonne excuse pour aller le louer dans un vidéoclub, en complément de deux ou trois grands classiques du cinéma pour ne pas avoir à affronter le regard de la propriétaire du magasin… Un peu comme Woody Allen glissant un magazine de sexe au milieu d’une pile de journaux, mais humilié par le caissier demandant de manière tonitruante au vendeur le prix du magazine en question…
Un film dont vous ne vous êtes jamais remis ?
Breaking the Waves, qui va trop loin… comme doit le faire tout chef-d’œuvre !
Si l’on vous dit “film et politique”, vous répondez ?
Godard… pour qui même un travelling est un acte politique.
Un film dont vous auriez aimé écrire le scénario ?
Huit et demi qui plonge avec tant de vérité et de fantasme dans l’angoisse de la création.
Le comédien avec lequel vous auriez aimé dîner ?
Greta Garbo, pour savoir si une femme existait derrière le mythe… Et sinon, j’aurais aimé partager un petit salé aux lentilles avec Philippe Noiret, allez savoir pourquoi…
Avez-vous déjà pleuré au cinéma ?
Je pleure facilement au cinéma si je suis seul… et je crains le moment où les lumières se rallument.
Un film dont vous gardez précieusement la VHS ?
La Fin du jour de Julien Duvivier. Louis Jouvet, Michel Simon, pensionnaires dans une maison de retraite pour vieux comédiens. Et cette terrifiante phrase finale de Michel Simon, prononcée de sa voix chevrotante : “C’est pas de ma faute, je suis vieux…”