Des gloires déchues, un monde de la finance amoral, une quête identitaire effroyable, des hommes déboussolés… Cette semaine, la télé a décidé d’invoquer les films du passé pour nous parler de notre époque, comme un éternel recommencement, et ce alors que, dans le même temps, la France se perd et ne pense qu’à retrouver ses fondamentaux : se qualifier pour la Coupe du monde et retrouver l’esprit d’il y a quinze ans, réconcilié, apaisé, fier et ambitieux.
Un fauteuil pour deux, de John Landis – dimanche, 20h45 – 6ter
Quelques années après les Blues Brothers, John Landis retrouve Dan Aykroyd et met en scène un autre duo détonnant avec Eddie Murphy. Deux stars de la comédie américaine pour un film pas si simpliste en ce début des années 1980. Deux magnats de la finance, vils et racistes, parient de faire d’un clochard noir, qu’on prend d’abord pour un voleur à sa couleur de peau, le dirigeant d’un empire financier en lieu et place de l’héritier naturel, qui, lui, se retrouve en bas de l’échelle. Les préjugés des deux côtés de l’échelle sociale y passent pour nourrir le débat de l’inné et de l’acquis. De la comédie populaire au conte social, qui rappelle pourquoi notre ennemi, c’est le monde de la finance.
La Banquière, de Françis Girod – lundi, 20h50 – Arte
Finance toujours, avec La Banquière, plongée dans un environnement politique et financier hargneux, sulfureuse parce que, dans la France des années 1920, elle cumule : lesbienne, fumeuse, affranchie, quoi. Résultat, pendant qu’elle spécule grâce aux petits épargnants et fait fortune, tout le monde lui tombe dessus, l’attaque, la trahit. Les Années folles vues par le prisme des années 1980 : c’est voluptueux et déterminé, à l’image de Romy Schneider.
Vincent, François, Paul et les autres, de Claude Sautet – lundi, 0h30 – France 2
Dans les films de Claude Sautet, on s’aime et on se déchire, mais toujours entre gens de bonne compagnie, si possible autour d’une bonne table. Vincent, François, Paul et les autres, c’est la chronique de la cinquantaine, de l’âge des premiers bilans pas forcément réjouissants, des ruptures et des remises en question, le tout dans des années 1970 qui découvrent la crise. Un contexte en écho avec la vie de ces personnages. Après les Trente Glorieuses, il faut affronter le principe de réalité, les rides, les crises cardiaques et les femmes qui vous quittent. Jean-Loup Dabadie, scénariste fidèle de Sautet, nous gratifiera d’une version sur le même thème, moins mélancolique et nettement plus joyeuse, quelques années plus tard, avec Un éléphant ça trompe énormément.
Trois hommes et un couffin, de Coline Serreau – mardi, 20h45 – D8
Les hommes sont des petites choses fragiles. Ils sont fougueux, courent les filles, ont des carrières à mener. Mais mettez-leur un bébé dans les pattes, et les voilà aussi attendris qu’attendrissants. On oubliera l’intrigue du trafic de drogue et ses quiproquos pour se concentrer sur le trio d’acteurs, à l’alchimie aussi parfaite que leurs voix chantant “Au clair de la lune” en harmonie : Roland Giraud face à Mme Rapon-Dominique Lavanant, André Dussollier en dragueur invétéré, et Michel Boujenah, l’as de la procrastination. En revanche, on vous conseille de rester sur cette bonne impression et de ne pas jeter un œil sur la suite, 18 ans après, diffusée sur Gulli jeudi soir, et sa réalisation mouvante à la lumière agressive de la caméra numérique. Le charme serait rompu.
Incendies, de Denis Villeneuve – mercredi, 20h50 – Arte
Pour les cœurs bien accrochés, Incendies est l’enquête bouleversante de deux frère et sœur jumeaux, chargés par le testament de leur mère de partir sur les traces de son passé. Retrouver un frère et un père dont ils ignoraient l’existence ou croyaient mort. Retourner dans un pays non identifié, qui pourrait être le Liban, mais aussi tout autre pays marqué par la guerre, la haine et la revanche. Se confronter aux douleurs enfouies, aux secrets inavoués et inavouables. On suit cette quête au plus près. Rien ne nous est épargné, pas plus qu’aux personnages. Entre passé et présent, pièce par pièce, on reconstitue le puzzle. Jusqu’à ce que l’on se représente le tableau. Jusqu’à ce que l’on comprenne brutalement, en même temps que ce frère et cette sœur. Jusqu’à l’effroi. A la fois subjugué par la beauté des paysages, la force du vent, la violence du conflit, l’horreur de ses conséquences.
The Wrestler, de Darren Aronofsky – mercredi, 22h30 – France 4
Mickey Rourke, ce sex-symbol des années 1980 ne ressemble plus à rien. Entre coups encaissés et chirurgie esthétique aussi douteuse que ses choix capillaires, cet énergumène aux longs cheveux platine, c’est à la fois l’acteur et le personnage. L’ancienne gloire joue encore. Le catch et ses paillettes ne sont pas si éloignées des lumières d’Hollywood. Darren Aronofsky, qui hypnotisait déjà dans Requiem for a Dream ou The Fountain, joue des faux-semblants et du hors-champ, mais cette fois sous une lumière crue. Mickey Rourke ou Randy le wrestler, qu’importe, les deux sont sur le chemin de la rédemption, de retour sur le ring même si on ne les y attend plus.