On n’est pas là pour rigoler. Cette semaine, c’est du tragique, de la passion, de la violence. Profitez-en, remplissez-vous de mauvaises intentions, de vils projets, de trahisons, de mensonges. Car dès le week-end prochain et l’arrivée du Téléthon, c’en est fini. Il ne sera plus question que de bons sentiments, de miel abondant, de sucreries indigestes. Des happy end à la pelle, des miracles à n’en plus finir, de la générosité par cartons. Profitez-en, pour pouvoir vous plonger ensuite avec délectation dans le coton des classiques de Noël.
Duel au soleil, de King Vidor – dimanche, 20h45 – Arte
David O. Selznick, qui l’avait également produit avec le succès que l’on sait, voulait faire de ce Duel au soleil un nouveau Autant en emporte le vent. Le point commun des deux films étant de mettre en scène un homme arrogant et machiste, acharné à séduire une femme tout en passant son temps à la rejeter. Une version de la passion amoureuse en Technicolor un tantinet… disons grandiloquente, qui passe on ne sait trop comment entre les mailles du fameux Code Hays (le code de censure qui a régi les plateaux hollywoodiens pendant trente ans) tout en restant un monument sulfureux pour l’époque, en 1946. Et pas seulement parce qu’il mélange les genres et transforme un western en grand élan romantique.
Les Témoins, d’André Téchiné – lundi, 20h50 – Arte
Le lendemain de la Journée mondiale du sida, un hommage vibrant aux premiers témoins impuissants de la montée du sida au début des années 1980. Mais c’est également un souvenir joyeux et insouciant : Emmanuelle Béart étincelante dans sa robe jaune, Sami Bouajila déboussolé mais heureux de la rencontre du jeune Johan Libéreau, Michel Blanc amoureux éconduit mais fidèle et engagé. Téchiné filme l’été, les pique-niques au bord de l’eau, les amours qu’on n’attendait pas. Un bonheur d’autant plus étincelant qu’il est foudroyé dans la deuxième partie du film par cette maladie dont on sait encore si peu et contre laquelle on ne peut rien. “Les beaux jours” laissent place à “la guerre”. Une guerre perdue d’avance, mais menée avec force, dignité, et émotion.
Le salaire de la peur, d’Henri-Georges Clouzot – lundi, 0h30 – France 2
Le maître du suspense français, notre Hitchcock à nous, excelle dans la mise sous tension, l’air de rien, par petites touches discrètes. Cela commence dans le village poisseux de Las Piedras, ça se termine dans un camion chargé de nitroglycérine, écrasé par la chaleur de l’Amérique du Sud. Une échappée de la prison à ciel ouvert de ce village où se retrouvent tous les paumés de la Terre. Une liberté qui se paie. Une course vers la mort, qui peut frapper à tout moment. Clouzot aime les paradoxes. C’est à l’air libre que l’on est prisonnier. Ce n’est que par le danger que l’on peut s’y soustraire. Un huis clos suffocant en plein désert.
Le Rêve de Cassandre, de Woody Allen – mercredi, 20h50 – Arte
Entre le sommet Match Point et le sensuel Vicky Cristina Barcelona, Le Rêve de Cassandre est passé quelque peu inaperçu. A tort. Il est le contrepoint de Match Point. Le châtiment du crime, alors que Jonathan Rhys-Meyers était passionné par Dostoïevski. L’histoire de deux frères qui veulent s’élever au-delà de leur condition, se font passer pour des riches héritiers. Une ambition qui a un prix. Quand Match Point montrait des crimes minutieusement exécutés et assumés, Le Rêve de Cassandre est fidèle à sa référence mythologique et court à la tragédie. Rien ne se passe comme prévu, et c’est à la culpabilité et au remords que s’intéresse cette fois-ci Woody Allen, épaulé par un surprenant Colin Farrell et un Ewan McGregor toujours brillant. Il filme une spirale infernale, une situation inextricable, et surtout un duel moral entre les deux frères, aussi semblables que différents, mais entraînés dans la même chute. Inexorable.
Mother, de Bong Joon-ho – mercredi, 23h30 – Arte
Comme à son habitude, Bong Joon-ho part d’un prétexte pour s’attarder sur ce qui l’intéresse vraiment. Ici, c’est par une enquête policière qu’il décortique la relation ambiguë entre une mère et son fils, resserrant l’étau autour de son personnage principal et presque éponyme. Mother est fait de faux-semblants, chaque personnage cache un double intérieur qui révèle une autre facette de l’histoire, façon poupées russes (mais coréennes). Le portrait d’une femme au bord de la folie, aussi drôle qu’inquiétante. Troublant.
Gangs of New York, de Martin Scorsese – jeudi, 23h15 – M6
A force d’explorer le crime organisé et la violence sous toutes ses facettes, Martin Scorsese retourne aux origines. Aux débuts de New York, au début des clans, des affrontements et de la politique populiste. Avec Daniel Day-Lewis, impressionnant comme toujours, en porte-voix aussi extravagant que ses costumes. Une histoire de vengeance, de pouvoir, de territoires. L’histoire de New York, si chère à Scorsese, mais dans une dimension telle qu’elle pourrait être celle de n’importe quelle ville en devenir, de n’importe quel groupe bousculé dans ses certitudes. New York, centre du monde.