Depuis quelques années, les César et les Oscars sont célébrés le même week-end. Ce qui signifie pour les cinéphiles un peu midinettes que, pendant deux jours, on ne dort pas et on se nourrit de pizzas, de pistaches et… de Xanax. Vendredi, on était déjà au bord de la pendaison. Pourtant, Antoine de Caunes revenait dans la place. Celui qui a tout appris de Billy Crystal (les films détournés en début de cérémonie : une invention de Billy, d’ailleurs rééditée cette année au Kodak Theater) avait été le premier à dépoussiérer la cérémonie, à embaucher des auteurs, à faire participer les acteurs – nommés ou non – dans des pastiches souvent drôles. Et cette année, la souffrance. Comme si Jeanne Balibar avait chanté en cochon pendant 4h30. L’usure sûrement.
L’usure aussi, qui se lit sur les traits – artificiellement – tirés de Billy Crystal. Qui refait le coup du « je lis dans les pensées des acteurs », qui fait référence à Quand Harry rencontre Sally. Oui, c’est la meilleure comédie romantique du monde, non, Billy Crystal n’a rien fait de notable depuis. Mais bon, c’était en 1989. Au moins, l’avantage des Oscars sur les César, c’est que c’est court. Mais c’est aussi l’inconvénient. Les blagues de Billy Crystal (il y en a eu quelques-unes de bonnes, tout de même) durent moins de 30 secondes, le temps d’annoncer les remettants. Les discours de remerciement, 45 secondes. Montre en main. Sinon, on commence par envoyer la musique, ensuite on coupe le micro, et enfin adieu la lumière. Il y a finalement quelque chose de dérangeant dans ce show hyper-rodé, calibré, propre. Rien n’est imprévu, rien ne déborde. La cérémonie a été resserrée en 3 heures. Les prix techniques et les prix d’honneur sont célébrés en amont (en novembre, pour les Oscars d’honneur) et on diffuse un mini-clip pour faire comme si on trouvait ça intéressant. Si peu de place pour l’émotion. En revanche, il y a de la place pour la pub toutes les dix minutes. Ce qui veut dire pour nous, petits Frenchies, Laurent Weil et Didier Allouch toutes les dix minutes. Et ça, c’est difficile pour les nerfs.
Mais comme on est cinéphile midinette, on s’émeut facilement. Et après ce difficile vendredi soir – on reparlera des oublis honteux d’Alain Cavalier et Olivier Gourmet un jour –, on est fatigué et on trouve drôle Colin Firth qui évoque Mamma Mia avec Meryl Streep (« I was gay, we were happy »). On se souvient que Michel Hazanavicius, c’était le mec qui portait le blouson « PUB » dans Les Nuls, l’émission et qu’il nous a (presque) tout appris de l’humour cinéphile. Que quand Alain Chabat réalise son premier film, il fait un gros clin d’oeil à son pote en donnant son nom, alors imprononçable et inconnu, à son chien (déjà un histoire de cabot) joueur de foot : Didje Hazanavicus. On a l’impression de le connaître depuis toujours, alors on pleure un peu. On oublie les Nous C Nous, on oublie que Thomas Langmann a réalisé Astérix aux Jeux olympiques, et nous aussi on crie “OUAH PUTAIN GENIAL MERCI FORMIDABLE”.