I Don’t Want To Grow Up
Now I wanna sniff some glue
Now I wanna have somethin’ to do
All the kids wanna sniff some glue
All the kids want somethin’ to do
Dans un monde noir et blanc, où le petit train-train continue son bout de chemin, et où chacun fantasme sur les transgressions nécessaires propres à la catharsis, le microcosme de la comédie US apparaît comme un beau royaume bourré de virulences trashouilles, d’écarts malsains, de coups de pied aux fesses du conformisme, celui-là même qui se faisait déjà étriper par les plus fortes avant-gardes. Même si, parfois, le concept le plus graveleux accouche d’une escroquerie de bondieuserie à peine rigolote (Serial Noceurs), il demeure ces bébés du doux politiquement incorrect, ne répondant point au bon goût par de subtiles subversions méticuleusement énoncées et d’une puissante symbolique, mais, de façon altruiste, par un étalage « hénaurme » de mauvais esprit typiquement adolescent.
Vous savez, cette philosophie de teenager bourré et potache qui inonde tant de perles du genre… L’on pourrait citer Road Trip, un Todd Phillips pré-Very Bad Trip, célébrant les sex tapes amateur confectionnées avec amour, les papys défoncés ou encore l’attouchement rectal consentant. Il serait galvanisant de s’éterniser sur Eh Mec ! Elle est où ma caisse ?, ode à la contre-culture, où les running-gags les plus ravagés s’alignent à travers une peinture fantasque mixant Dumb & Dumber et L’Attaque de la femme de 50 pieds, culotte géantissime et documentaires animaliers ! Et quel bonheur inégalé d’expérimenter la plus tarée des perspectives, celle de Tom Green et de son hystéro-dadaiste Va te faire foutre Freddy… Ces œuvres répondent à la même initiative, tout comme le film ici présent : forniquer chaleureusement avec la génération MTV en balançant à la face d’un public ivre d’anarchie et de portnawak une plaisanterie bien déraisonnable comme il faut.
La Main qui tue, c’est donc l’histoire assez colorée d’une feignasse qui, après deux jours de oinjs et de punk-rock californien, s’aperçoit enfin que ses parents sont morts. Stupeur des potes tout aussi stone, climat de terreur ambiant : qui est donc ce tueur qui sévit dans la ville depuis quelques semaines ? Eh bien, ce n’est autre que notre protagoniste en gelée, loser attachant qui, en plus de son addiction à Marie Jeanne, doit supporter une main possédée par Satan, main désormais incontrôlable qui bousille de l’humain en deux secondes. Tout au long de la progression de l’œuvre, le pitch façon La Quatrième Dimension se fait embrigader par une philosophie bien loin des récits de Rod Sterling : l’univers MTV. Nos « zéros » évoluent ainsi dans un monde où rien n’a vraiment d’importance si ce n’est la revigorante drogue, les clips de hard-rock au ralenti, la télé allumée, les belles nénettes et le bal du bahut. Loin d’être cynique, cette appropriation d’un panorama laisse toute la place adéquate à un climat de régressions essentielles, d’autant plus qu’il y a à la barre un monsieur qui a tout compris à la confrontation des styles.
Ayant œuvré pour la mythique série Les Contes de la crypte, Rodman Flender prend un malin plaisir à déflorer ce qui sera plus tard son gagne-pain (effectivement, il deviendra metteur en scène pour des séries telles que Dawson ou Cinq à la maison !) : la cellule familiale est inexistante (sauf si l’on considère deux parents aux yeux dénoyautés comme une belle image de l’american way of life), et les teenagers ne sont que d’insouciants et rigolards branleurs, qui, dans leur banlieue monotone, en disent plus long sur cet âge « bête » et un peu craignos que les poupées de cire de Beverly Hills. Bon connaisseur de l’horreur comique, le réalisateur jubile à asperger de sang et de « bad taste » cette intrigue qui en dit long sur la vie, l’amour, la mort, et l’Art. Comme Serge Daney, l’on pourrait réagir en plusieurs points précis :
1/ « Encore une fois, la drogue sauve des vies ! » Avec une telle morale, on entre carrément dans le terrain d’essai acide et salvateur d’un bon Simpson Horror Show.
2/ Quitte à faire une œuvre engagée, autant faire l’éloge des sous-vêtements de Jessica Alba. Done. Même Paul Eluard aurait pu écrire un blason en son honneur. Surtout Paul Eluard, en fait.
3/ Hystérie et glande : c’est bien là la saveur première de cette farce qui rappelle à l’humanité l’un des shows américains les plus pertinents de la décennie 90’s : Beavis and Butthead, et ses idées ravagées du cerveau.
4/ I wanna Be Sedated ! The Offspring reprend les Ramones, et un pont culturel se déploie, entre guitares californiennes façon vidéos de skateurs et rythme déchaîné du son punk. La jeunesse, en deux mots. Twenty-twenty-twenty four hours to go/I wanna be sedated/Nothin’ to do and no where to go-o-oh/I wanna be sedated…
5/ Comme Serge Daney, il serait nécessaire de revenir sur la signification des images, de ce flot incessant de miniatures mobiles conditionnant la société actuelle, miroir déformant et chimérique puits d’évocations cristallisées. Deux zombies qui mangent des burritos. Une main qui pelote deux gros seins découverts. Un chat qui lèche le flux corporel sanguinolent de ses maîtres. De manière prophétique, l’on peut donc avancer que La Main qui tue préfigurait la guerre en Irak. Serge, merci.
6/ Un film remakant la séquence de la main d’Evil Dead 2 et la séance cunnilingus un poil déviante de Reanimator, avec, comme morale fabuliste, une déclaration d’amour à la drogue façon How High ou Wayans Bros, c’est pas banal. Un cerveau complètement endormi par les flux bouleversifiants des senteurs aromatiques, on pourrait peut-être appeler ça un « braindead », non ?
7/ « On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans » disait le poète, avant de se défoncer la tronche à coup d’opium. Là est la politique de ce teen movie, où l’existence se voit résumée à deux doctrines, l’art du sanglant à la Cannibal ! The Musical et l’usage du bong, encore plus chéri que dans les milieux new-yorkais underground pour barbus blasés.
Conte de fées moderne, La Main qui tue est essentiel à l’évolution des enfants, puisque, selon les préceptes de Bruno Bettelheim, le conte, aussi effrayant soit-il, conduit à la progression du marmot, par sa troublante véracité, sa cruauté, son niveau d’identification, son symbolisme total, et sa fin instructive autant qu’évocatrice.
La vie est gavée de soucis : notre main devient vivante et chtarbée, alors il faut la trancher violemment dans la cuisine, puis empêcher l’hémorragie à l’aide d’un fer à repasser. Oui, mais tout est bien qui finit bien, pour celui qui le souhaite : même avec une seule main et des potes morts-vivants, on peut sortir avec Jessica Alba.
Une leçon universelle.
La Main qui tue (Idle Hands) de Rodman Flender, avec Devon Sawa, Seth Green, Jessica Alba, Vivica A. Fox. Etats-Unis, 1998.
Tout ça m’a donné envie de le revoir (surtout que je ne me souvenais plus de Jessica Alba dedans )
J’ai la VHS. Pourquoi, je ne sais pas.
Très belle évocation d’un film authentiquement “culte”. Bravo !