Asuka vient d’emménager avec sa famille dans un grand immeuble. Très rapidement, des sons étranges se font entendre depuis l’appartement voisin occupé par un homme âgé. Préoccupée par le bien-être du vieillard, elle se rend chez lui et le retrouve mort. Lorsque les bruits reviennent, Asuka retourne sur les lieux et tombe nez à nez sur une apparition du défunt. La panique l’envahit, d’autant plus que sa famille a disparu sans laisser de trace…
The Complex est à l’image de la filmographie de son réalisateur : inégale, dotée d’immenses qualités mises à mal par quelques faiblesses. Mais le dernier film d’Hideo Nakata révèle aussi le chemin du réalisateur depuis Ring et sa consécration instantanée en tant que maître de l’horreur à la japonaise – c’est-à-dire, faite de fantômes qui reviennent hanter les vivants plutôt que les demeures. Avec Ring, Nakata dépoussiérait le genre, offrant un pur film d’épouvante qui empruntait autant à la technologie (la VHS comme outil mortel) qu’à la tradition (incarnée par Kenji Mizoguchi). Avec Dark Water, il poussait l’horreur jusque dans ses retranchements : elle s’immisçait dans l’intimité de la maison, flaque d’eau grandissante trahissant les dangers alentour. Avec Kwaidan, Nakata rendait hommage à un autre cinéaste japonais, Masaki Kobayashi, passé maître dans le mélange des genres. Avec Chatroom, enfin, Hideo Nakata prenait le virage 2.0 et donnait une ambitieuse consistance à la virtualité.
Ces éléments, décortiqués les uns après les autres dans chaque nouveau film du réalisateur, on les retrouve tous sous une forme plus aboutie dans The Complex. Nakata sait toujours susciter l’effroi par l’utilisation d’images lugubres et envoûtantes, d’une bande sonore parcimonieuse – assourdissante lorsqu’il le faut, presque muette à d’autres moments. Mais depuis Dark Water, il sait aussi que l’horreur n’est pas forcément gore, et qu’une atmosphère malsaine est plus durablement dérangeante. L’histoire d’Asuka, perdue dans son grand appartement, en proie à des visions d’outre-tombe, prend le temps de s’installer, le metteur en scène s’attardant davantage sur des images a priori anodines que sur des effets horrifiques : une porte ouverte, une absurde discussion familiale sans fin ou des massifs de fleurs colorées. Et pousse même le vice à changer de direction lorsqu’on pense avoir tout compris ; un fantôme se substitue à un autre, le danger n’est plus où on l’attendait. Malgré quelques lourdeurs narratives et un scénario parfois attendu, la réalité déformée d’Hideo Nakata – qui précise avoir voulu avant tout réaliser un film sur les rapports humains dans la société nippone – paraît bien plus palpable que celles de la plupart des films d’horreur. Le cinéaste parvient à illustrer le lent basculement vers la folie, inéluctable, presque contagieux. Il donne corps à la douleur d’Asuka, au point qu’on se demande s’il s’agit bien de fantômes ou simplement de psychose. Sans être le chef-d’œuvre d’Hideo Nakata, The Complex évite ainsi l’écueil de constituer un Dark Water 2 et opère un intéressant glissement : de l’irrationnel vers la folie ordinaire, d’images désaturées vers un trop-plein de couleurs, d’un cinéma minimaliste vers un autre plus occidentalisé, plus accessible.
» Lire aussi l’interview d’Hideo Nakata
The Complex (Kuroyuri Danchi) d’Hideo Nakata, avec Atsuko Maeda, Hiroki Narimiya, Masanobu Katsumura, Kanau Tanaka… Japon, 2012. En compétition au 20e Festival de Gérardmer.
Reflet parfait de la littérature japonaise avec ses zones d’ombre et ses clair-obscur à l’image même de la culture japonaise.
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